Quelques-unes de nos
dernières bonnes bouteilles bues
Rentrés fourbus d'un périple belge bien rempli, nous avons vécu sur le contenu du congélateur depuis notre retour. Je ne m'en plains d'ailleurs pas: hier soir, deux perdrix bien dodues ont fait notre ordinaire, avec un restant de chou chinois et une purée de pommes de terre. Simple et de bon goût.
J'ai sorti un Sociando-Mallet qui traînait par-là. Gautreau a toujours produit de bons vins, depuis le milieu des années '70 que je fréquente ce cru. Un grand domaine (85 ha de vignes) sur les sols de Saint-Seurin riches en calcaire et en coquillages fossiles (comme à Saint-Estèphe), une majorité de cabernets (55 % sauvignon) et le solde en merlot. Petit élevage en bois neuf, sans excès. Et 1989 fut très bon.
La robe est restée pourpre tirant un peu sur l'acajou ou l'amourette. Le nez, discret (bouteille froide avant carafage) tient du cassis, avec un bouquet secondaire de sous-bois. La bouche, vraiment souple, ne présente pas de creux. Un parfait compagnon pour la plume que j'avais simplement rissolée à la cocotte, tendre et juteuse, sans chichi. Hat guuuut geschmeckt!
A l'autre bout de la table, le Bastardinho, une relique d'un vin dont le producteur écrit "Não há mais". Normal, j'ai acheté à l'importateur belge tout le stock de ce 20 ans d'âge dans les années '90. La séculaire firme da Fonseca d'Azeitão a arraché cette vieille vigne du cépage bastardo (similaire au trousseau jurassien) en 1983, tellement son rendement avait chuté. Elle a embouteillé au fil du temps des vins mutés de 20, 25, 30 et enfin 40 ans d'âge, tous excellents. La robe est orangé, le nez hésite entre un muscat discret et un grenache friand, la bouche est très équilibrée, avec un sucre résiduel qui ne s'impose pas et des accents oxydatifs parfaits, tirant plus sur la colheita du Douro que sur le sotolon. Normal, Setúbal n'est pas Pupillin. Il réalisa un agréable accord avec le Pithiviers de l'Epiphanie.
Au milieu, un duo d'incontournables mourvèdres, dans le splendide millésime varois de 1993. Cette année-là, le Bandol resplendissait de tous ses feux et Bacchus sait si j'en ai bu (Le Galantin, La Tour du Bon, Lafran-Veyrolles, Gaussen, La Vivonne, Bastide Blanche, Ste Anne, Cagueloup ...) en plus des deux que je vous présente.
J'ai - un peu - connu Lucien Peyraud, que François et Jean-Marie avaient invité à venir me dire bonjour quelques instants lors de mes visites à "la bastide". Je pense avoir dégusté au moins vingt millésimes du domaine Tempier, dont un très joli 1975 dans le restaurant de Michel Bruneau à sa grande époque. Ce 1993, robe foncée, nez de cuir et de pruneau (mourvèdre) n'est qu'une "Cuvée Spéciale", assemblage variable d'un an sur l'autre et quelquefois un peu fourre-tout, fort réussie pourtant cette année-là. Et 1993 constitue selon moi la dernière très belle année (légères dissensions familiales, passage de génération qui ne s'est finalement pas fait etc ...) au Plan avant l'arrivée du directeur actuel, Daniel Ravier. Venu d'ailleurs mais ayant déjà une belle expérience locale, celui-ci a débarqué vers l'an 2000 et a remis immédiatement le domaine sur ses rails. Il a en fait corrigé les choses qui allaient moins bien, car le potentiel qualitatif était évidemment intact. Je l'ai rencontré tout au début de son arrivée et il m'a séduit d'emblée. Depuis lors, Tempier a repris son rang parmi les meilleurs vins de Bandol. J'avoue en outre ne pas être un fanatique des "innovations" amenées par les Bordelais et autres Bourguignons, bois neuf et autres, et par leur matraquage marketing, si étranger à cette appellation, "de mon temps".
Enfin, joli Pibarnon de 1993, à une époque où Eric de Saint-Victor avait repris progressivement les rênes de son père, en douceur. Il a amené des tanins un peu plus feutrés mais aussi des vins légèrement moins concentrés. Il faut dire que certains de leurs fermiers, et parmi les meilleurs, ont "fait sécession" en créant leur propre domaine, notamment du côté du "chemin de l'argile" ou sur Fontanieu. Mais la "base" de Pibarnon demeure, là-haut sur la colline du Télégraphe (Chappe), une arène en hémicycle dont les sols assez calcaires, au milieu des pins, se mélangent aux marnes bleues qu'on rencontre ailleurs dans pas mal de beaux terroirs viticoles.
Le vin que j'avais emporté avec moi en quittant la Belgique, il y a plus de 12 ans, commence à se faire rare. Ma situation financière ne me permet plus d'acheter ni autant ni au même niveau de prix qu'alors et je ne sais pas si je continuerais à le faire de toute façon, en dehors de toute considération budgétaire. Je compte parfois sur des échanges mais mon manque de notoriété ne facilite pas l'opération. J'en suis donc réduit à boire mon propre vin.
Il me semble que je bois du bon.
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Thysebaert (Monday, 12 February 2018 22:47)
... Sans doute !... Mais la clé du bonheur (gustatif), n'est-ce pas la variation, la variété ?
Luc Charlier (Tuesday, 13 February 2018 19:14)
Certes, but anything money can buy ...