Certaines propriétés viticoles semblent
produire chaque année du vinaigre.
Elles ne s'en rendent cependant pas compte.
A la Coume Majou, les acidités volatiles sont généralement élevées (0,6 - 0,7 gr/L) dans les vins rouges. Elles proviennent directement de l'activité levurienne et accompagnent harmonieusement le taux d'alcool, solide lui aussi. Elles ont toutefois tendance à baisser un peu en cours d'élevage (volatile, qu'on vous dit!).
Gérard Gauby appelle cela "la volatile noble" et il l'oppose aux légères piqûres acétiques apparaissant pendant la maturation du vin. je pense qu'il a raison et même le goût de ces deux formes d'acidité est différent. Les acétates purs sont agressifs, brûlants.
Mais ce n'est pas de cela que je veux vous parler.
Il existe à Cosprons, faubourg de Banyuls comme Mégara est celui de Carthage, une vinaigrerie de renommée européenne, où une certaine Nathalie élaborait des vinaigres à façon pour un grand nombre de domaines. Elle aurait pu nous servir de guide. Nos amis Verdaguer lui laissaient faire un vinaigre de vieux Rivesaltes ambré de toute première qualité. Devant le succès de sa propre production, elle a décidé de ne plus acétiser que sa propre marque, délaissant le travail à façon.
Et un de ses stagiaires, le sympathique Sylvain Vivès, a alors créé sa propre petite entreprise (Vinaigrerie des Domaines), en activité complémentaire. Je fus son premier client.
C'est Jean-Hubert Verdaguer qui m'a donné la barrique adéquate* et 80 litres de fond de cuve (mais pas des lies à proprement parler) du Maury Quintessence 2011 y ont trouvé place, sur le berceau à barriques de Corbère-les-Cabanes.
Sylvain a réduit le VDN au titre convenable pour que la lignée acétique se sente bien et ... rien ne s'est passé tout d'abord. Pas de développement bactérien, ni de mère, et pas de formation d'acide acétique! Ensuite, le vin a commencé à ... pétiller. Après analyse, ce n'était pas une fermentation malo-lactique (FML non faite sur les VDN et très peu de sulfites chez moi) qui s'engageait, mais bien le sucre (100 mg/L de résiduel sur ce vin) qui repartait!
Sylvain a attendu que cela se calme, a ensuite été obligé de re-réduire le tout au degré voulu et, très lentement, ce joli Maury est devenu un vinaigre exceptionnel. D'ordinaire, les vinaigres de vin doux gardent un côté moelleux, comme le vinaigre de miel ou bien les balsamiques. Ici, rien de cela: on est à 6 degrés d'acide acétique (c'est parfait ainsi), sans aucun sucre restant. Et les arômes rappellent le fenouil, la garrigue, l'empyreumatique, la pâte de coing ...
Le premier professionnel à avoir goûté ce vinaigre fut Saburo Inada, vous vous en doutez bien. Je le lui ai montré un peu avant son service de midi. Il terminait de démouler une terrine de joue de boeuf pour le menu du soir. Il a pris mon vinaigre de Maury, a fabriqué sur le champ avec lui un caramel assez liquide et nous a coupé deux tranches de terrine qu'il a ensuite nappées. On s'est régalé de l'ensemble ... et lui tenait son assaisonnement du dîner.
Ensuite, Cyril Attrazic s'est servi de ce vinaigre dans sa belle adresse d'Aumont-Aubrac. Ce fut la première étoile de mon produit dérivé.
J'ai bien livré quelques clients ensuite, mais nous n'avons pas fait ce qu'il fallait pour que la promotion soit efficace. Maintenant, profitant de notre mise du blanc et du rosé, nous avons élaboré une jolie étiquette - nous n'en avions toujours pas - et "tournons" avec notre vinaigre. Et nous tournons avec succès.
J'avais demandé à Sylvain de me conditionner quelques bidons de 3 litres - pour la restauration - en plus des 25 cl et 50 cl que je destine à la cuisine des ménagères (role model) ou des cuisiniers amateurs (hobby prestigieux quand il est masculinisé). Ils partent comme des petits pains pour ne pas dire comme des pets sur une toile cirée.
Le problème essentiel avec cet article est son prix de vente peu élevé et la cherté du transport. En fait, je vends le vinaigre de Maury beaucoup moins cher que le vin dont il est issu, et j'ai les coûts d'élaboration et d'habillage en sus.
Mon vinaigre suivant ... est déjà fait. Cette fois, j'ai confié à l'acétiseur le fond trouble d'une cuve de carignan (Cuvée La Loute !) que je ne comptais plus débourber plus avant. Et il m'en a fait un vinaigre de carignan sensationnel, très différent du précédent. Je ne dispose que de bonbonnes de trois litres. Si la vente des petits volumes de mon premier vinaigre semble démarrer, j'en transvaserai également dans des petits flacons pour celui provenant du carignan.
Allez mes amis, si on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre,
on capture par contre des arômes subtils en utilisant le mien.
*: Initialement, j'aurais dû y élaborer un peu de Rivesaltes ambré, mais les sangliers n'ont pas voulu.
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