Les censeurs lèveront les bras au ciel.
En fait, au sortir de l'hiver, voici à quoi ressemble ce vignoble presque centenaire. Ma photo date de lundi dernier. Oui, l'herbe envahit l'entre-rang; oui, certaines racines du porte-greffe ont donné des rejetons; oui, de jeunes genêts doivent impérativement être enlevés. En ce début 2018, la situation se complique par des pannes de tracteur itératives pour mon collaborateur lors de périodes critiques de la campagne précédente.
A faire: un petit coup de débroussailleuse ... qui va prendre deux jours pleins et me laissera épuisé. Et puis, sortir la boîte à soufre, avant même de commencer à "esbroutigner". Après, l'atomiseur pour un ou deux tours de soufre mouillable avant que la température ne permette à la turbine de pulvériser de la fleur de soufre exerçant alors une action efficace.
Moi, j'aime beaucoup la couleur vert tendre des carignans qui sortent.
Cette vigne me pose souci. Eloignée du village d'Estagel, en bordure d'un chemin GR, elle reçoit surtout la visite des sangliers, qui y ont même établi quelques tanières, encouragés par certains chasseurs indélicats qui y abandonnent pommes de terre et autres délicatesses pour les y sédentariser. Et moi je n'y vais pas assez souvent.
Je me suis fixé pour tâche de la chouchouter cette année.
Je reçois énormément de messages concernant ma cuvée La Loute depuis quelques jours, et ils me font grand plaisir. C'est Marc (de Luxembourg), qui a bu du 2010 (si je me souviens bien) il y a quelque temps, commençant à faire le beau. C'est Michel (du Limbourg) qui raffole aussi du 2008. C'est Guy, le sommelier de la très belle Commanderie d'Eybens, un des membres du trio de frères propriétaires de l'établissement, qui reveut soixante bouteilles (!) du 2013 pour sa carte. C'est Baptiste Ross-Bonneau, récent triomphateur dans un concours de sommellerie prestigieux, qui expose le 2011 sur sa page ...
Et puis, j'ai bu moi-même un des 2007 qui me restait encore: délicieux.
Hélas, pas de Loute en 2014/2015/2016/2017, pour des raisons variables, tenant toutes à un manque de présence humaine sur zone. Un peu plus de soins agricoles ne lui feraient pas de tort, mais je ne peux pas être partout à la fois et la main d'oeuvre attentive est impayable pour moi, à supposer que quelqu'un veuille encore faire ce type de travail. Mais surtout: plus de voisins, peu de promeneurs, pas assez de précipitations ... Il n'y a que les porcidés qui y abondent.
Le stock de bouteilles disponibles commence à atteindre des minima historiques, ce qui n'empêche pas certains détracteurs - qui ont souvent bénéficié de tarifs de faveur il y a dix ans - de faire remarquer que "le prix à fort augmenté". A dire vrai, le millésime 2011 quitte le domaine à 40 € TTC pour les particuliers à présent. Son rendement devait être de 7-8 hl/ha et c'est un des trois meilleurs vins produits à Coume Majou. Du coup, ce sont mes proches qui en boivent, et certaines tables gastronomiques où je suis ... fier, oui fier, de voir trôner mon vin. Le commerce me semble de plus en plus étrange, étranger, lointain . Mais il faut bien vivre de quelque chose.
Une pointe d'amertume teinte mon propos. La période me demande des efforts physiques intenses, que ma nuque (et donc par après les racines qui filent par les trous de conjugaison à partir de C3) me fait payer très cher. Et les contacts nécessaires à tenter de vendre le vin deviennent de plus en plus exigeants, en temps, en énergie et en digestion de couleuvres variées.
Je déconseille à quiconque de devenir vigneron!
Mais boire sa propre production, et la trouver délicieuse, constitue une petite compensation.
"Sapias, vina (propria) liques !"
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Bruyland Erik (Monday, 30 April 2018 18:55)
Goede moed Luc. De Lente komt weldra en de zomer. Dan kan je volop genieten in La Franqui. Dat is de hemel. Met mijn rhetorica-latijn begrijp ik niet "Sapias vina (propria) liques" Ik durf me niet wagen aan een vertaling.