J'ai entendu l'autre jour une interview de Paulo Coelho.
Il parle fort bien le français et raconte bien la torture.
Vive les colonels.
On ne peut QUE penser à lui en évoquant les camins de Santiago. En même temps, sa psychologie à six sous pour le comptoir du Café du Commerce me saoule.
J'ai fait hier soir, sur le camin de la borda, en pleine avenue du Languedoc à LF, une rencontre exceptionnelle.
Deux chevaux étaient très lâchement entravés à côté du cavîtche cum cave à vins: une jument isabelle à raie du mulet, stries aux genoux débordant sur l'avant-bras et le canon, crinière mi-érigée poivre et sel, et un hongre bai brun, à raie du mulet également. Les deux montures, formidablement bien musclées (croupe puissante, garrot bien plein) avaient transpiré et portaient des marques de frottement à la sangle et au bourrelet de selle. Elles étaient atteintes d'un peu de gale d'été.
Comme je m'intéressais à elles, un trentenaire bronzé et musclé également est venu vers nous. Le reste s'est déroulé un peu en français, un peu en anglais et un peu en allemand.
Milan a quitté le faubourg de Prague, où il était forgeron et féru de cheval, avec sa femme et les deux jeunes montures, pour parcourir la route de Compostelle. Au début, la progression se faisait à coups de 20 km dans la journée: une selle traditionnelle, à bas prix mais "renouvelable" (différents éléments assemblés par du velcro) et une selle de type "western" (beurk) qui blesse un peu le hongre au garrot, le paquetage et la tente avec ses piquets. Ensuite, au gré du développement de la musculature des deux jeunes chevaux, on en arrive à 50-60 km quotidiens. Le cheval porte des petits fers légers, la jument est déferrée et aurait présenté comme une espèce de fourbure (avant le départ). Je n'ai pas bien compris les explications.
La frontière espagnole franchie, madame sent qu'une transformation se fait en elle. Il n'y a apparemment pas que la péninsule ibérique à avoir été pénétrée. Milan explique qu'ils sont très catholiques et que, pour lui, c'est un peu comme Marie et Joseph. D'une part, je pensais que le brave homme était charpentier, dans la légende de Bethléem, de l'autre, je n'ai jamais rencontré Gabriel; l'archange, pas celle qui brûle notre esprit ou étrangle notre vie. Toutefois, le pendule, c'est fini, fini pour lui: au moins dix ans de chaînes ....
Madame est rentrée en Tchéquie le temps des consultations pré-natales, tandis que Milan organisait une "escale technique" d'une année avant son retour pour attendre l'heureux événement, encore à venir. Ils ont pris pied à La Palme (toujours la Bible), où j'essaierai de les retrouver, en tentant de louer quelques heures de randonnée à cheval aux touristes et de vendre des prestations de soudeur aux garagistes du coin.
Deux problèmes se posent en France selon lui: le prix des cigarettes ou du paquet de tabac à rouler, et la qualité, ainsi que le volume ridicule, de la bière proposée. Je compatis avec notre nouvel ami, qui m'explique qu'on le prend pour un ivrogne quand il commande deux "demis" (qui ne sont que des 0,25 l) à la fois et les lampe d'une seule traite. Evidemment, quand on vient du pays de la Pilsner et du bon houblon, devoir se taper de la 1664, c'est pas la joie: E finita la pacchia, comme on dit dans l'Italie des fachos.
La jument est un croisement de cheval des fjords et de cheval mongol, le hongre est 100 % cheval des steppes. Je m'étais demandé s'il ne s'agissait pas d'Islandais XXL. Voilà mon explication.
Je n'avais pas d'appareil photo sur moi, ni de quoi noter des coordonnées
et même pas trois sous pour offrir une autre bière. mais nous nous retrouverons.
J'ai adoré cette rencontre inattendue.
PS: Attention, Non licet omnibus adire Corinthum et Milan doit faire attention aux tentations de la Grande Babylone. Il n'est pas sûr, vu l'immigration massive et à contre-sens, que ce soit ici qu'il trouve son chemin de Damas.
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