Cette tour carrée sur le butte de Corton,
je la connais bien.
Feu mon ami Josy y a même logé.
Elle appartient au Domaine Nudant, à Ladoix-Serrigny, et servait à l'occasion de gîte avant que des indélicats et des cambrioleurs ne la vandalisassent et ne la pillassent à plusieurs reprises. A présent, depuis la chambre numéro 7 des Terrasses de Corton, c'est elle qui emplit la vue de bon matin.
Lors de mes fréquents passages par l'autoroute qui joint Luxembourg à Lyon, il m'arrivait jadis de faire étape à Ladoix. La dizaine de chambres formant motel, un peu défraîchies mais propres, m'accueillait fréquemment. C'est surtout le pigeon du gérant des lieux, et chef de cuisine, M. Sanchez, et la possibilité de se garer facilement et à l'abri, qui ont assuré ma fidélité. Les pigeons provenaient d'un élevage à Chenôve (livraison le jeudi) et la sérénité trouvait son origine dans la cour barrée d'une lourde porte fermée la nuit. Quand on transporte des bagages ou de la marchandise, à plus forte raison dans la benne d'un pick-up, une bonne table et un esprit paisible sont des atouts incontournables. On en n'oublie - presque - que les lampes de la galerie troublent l'obscurité des chambres vu l'absence de volet sur la fenêtre latérale et que la carte des vins est beaucoup top chère.
On n'est pas en Bourgogne pour rien.
Pour toutes sortes de raisons, mon dernier séjour remonte à un peu plus de trois ans. Monsieur Sanchez a remis l'affaire pour ... élever des pigeons de bouche à Ladoix-même. C'est Mme Parigot, souriante jeune femme que nous avons rencontrée ce matin, qui tient les rênes à présent, après avoir également repris la gérance d'un établissement situé de l'autre côté de la nationale qui mène à Nuits, la Gremelle.
Disons-le d'emblée: nous avons fait un repas excellent (Menu du chef) pour un prix très correct. La carte des vins propose quelques "petites bouteilles" bien choisies (notamment les Ladoix génériques) mais les flacons prestigieux continuent d'afficher des étiquettes "coriaces". Je ne comprends pas les clients, mais ceci participe de la grande illusion de la Côte d'Or. Passons cela.
L'entrée, une mousse de foie au porto avec des olives confites et plusieurs autres condiments originaux, est forte en goût, fraîche et onctueuse: un vrai délice qui sort un peu du cadre de "menu de ban bourguignon" (meurette, persillade, coq au pinot noir ....), même si j'apprécie cette gastronomie-là aussi. Elle succède à une mise en bouche de petits pois tout-à-fait succulente. Ensuite, le ... demi pigeon (oui, oui de M. Sanchez) cuit exactement comme nous le souhaitions, sauce à la griotte, chips de légumes et ... pommes Dauphine d'anthologie (maison, bien sûr) nous a complètement ébahis, alors que nous sommes des inconditionnels de ce volatile, Christine et moi. Et les desserts: parfaits!
La cuisine propose d'ordinaire le pigeon "rosé", ce qui est déjà une amélioration par rapport aux trucs "gris et secs" usuels à la fin du 20ème siècle. Nous avions précisé: rouge, à peine chaud. En fait, la patte est confite à part - ce qui est impeccable - et sans doute à l'avance, mais le chef a passé son nez à la vitre (dans mon dos), pour s'assurer - Christine lui a fait un "thumbs up" appréciatif - de notre satisfaction. Le filet était sanguinolent, tendre, savoureux, presque comme un ramier et épicé à point. Une vraie réussite.
On a bu une blanche locale, du kir, un Ladoix blanc au verre, et une demi-bouteille de Ladoix communal rouge ... rien à redire. Même cette dernière bouteille (2015) vous crachait son pinot de qualité à la figure: impecc'.
Les chambres semblent avoir été rénovées par l'ancien exploitant juste avant son départ et sont beaucoup plus accueillantes, avec une jolie salle-de-bains toute proprette. Le sympathique brouhaha de la terrasse du restaurant, juste en-dessous, stoppe totalement sur le coup de 23 heures, ce qui est parfait. Et on n'entend pas la hotte aspirante des cuisines. Hélas, les fenêtres latérales ne sont toujours pas occultées, alors que tous les chassis ont été remis à neuf (double vitrage) et qu'un volet métallique à rabats barre la porte-fenêtre. Moi qui DOIS dormir dans l'obscurité totale, je ne comprends pas que même les bons établissements ne soignent pas plus cet aspect. Il n'en coûte pas grand chose car un simple voile noir opaque ferait l'affaire. Je me fiche pas mal d'avoir un mini-bar, un "room service", la télé (je ne la regarde jamais), un sèche-cheveux, une lime à ongles en carton, une mini-trousse de couture ou un appareil à faire reluire les chaussures. Mais j'aime dormir dans le noir. Notez que la lumière de la Voie Lactée, ou du jour naissant, ne me dérange pas. C'est la clarté électrique, et plus encore les lampes à sodium des éclairages publics, qui me rend fou. Cette fois, nous avons coincé une serviette éponge en doublure des rideaux et ce fut "presque bien".
Comme il nous restait pas mal de route pour accueillir en temps utile de nouveaux occupants à la "bergerie", nous avons décollé à 8 heures précises, sans prendre le temps du petit-déjeuner. A la maison aussi, sauf les jours de grasse matinée, nous sautons ce repas. Mais un petit expresso, élément indispensable à la bonne humeur de Christine et simple petit plaisir apprécié par moi, fut consommé: fort bon par ailleurs.
Revoilà une excellente étape sur le chemin du bercail, à 6 heures de BXL et 5 heures de LF.
Je dirai un petit mot (copie de ce blog) à Mme Parigot pour la clarté, je ne suis sûrement pas le seul voyageur à aimer l'obscurité dans une chambre.
Hélas, soixante ans de fréquentation de la Bourgogne - et de nombreuses autres contrées de France, mais à un degré moindre - m'ont fait abandonner l'espoir de pouvoir "boire très bon" au restaurant. Et là, même avec toute la bonne volonté du monde, Mme Parigot ne pourra rien faire pour moi. Les comptables, les écoles hôtelières, les stages, ont ancré dans la tête des patrons de restaurant la notion de "coefficient multiplicateur". Ils vous font croire que ce sont les inspecteurs du fisc qui imposent cette pratique. C'est faux.
Les grandes bouteilles, chères à l'achat je le concède, se voient donc affublées d'une marge démentielle. En Bourgogne, ce phénomène est encore amplifié par le prix de vente faramineux des cuvées les plus réputées. Le public, qui n'y connaît RIEN, accepte souvent de payer au caveau 50, 100 ou même 200 euros TTC des flacons qui ne valent pas tripette, mais portent une étiquette renommée.
J'ai été élevé au vin de Bourgogne et les plus grands flacons de ce pinot m'ont laissé des souvenirs inoubliables, notamment à Gevrey, à Vosne et sur Ladoix ou Aloxe même. Mais je n'en ai plus une seule bouteille en cave.
A contrario, 9 bouteilles sur 10 qu'on me fait goûter, et encore plus chez les négociants, sont totalement indignes de leur nom. Pourtant, il y a 4 ou 5 ans, un ami chirurgien a eu la générosité de boire avec moi un Chambertin (Mortet) dans une "petit" millésime et cela reste une grande émotion gustative, impérissable.
Hôtellerie confortable et de bon niveau.
Ambiance très chaleureuse.
Il ne me manque qu'une petite occultation des fenêtres ...
Bravo au chef et à son équipe: environ 40 couverts servis, à la satisfaction générale
et un service de salle adorable (inchangé par rapport au passé).
Je reviendrai certainement ... manger les deux moitiés du pigeon
et goûter au plateau de fromage!
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