LES ORS ET LA ROUSSE DE LA CHAPELLE

Entre Belém et le Béarn
Entre Belém et le Béarn

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Que d'émotions !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'ex-patronne de la boulangerie, à Port-la-Nouvelle, était d'origine portugaise, d'après ce qu'on m'a dit. Son mari a gardé la recette, en tout cas: ses pasteis de nata sont parfaits. La vendeuse saisonnière me les as fourrés vite fait dans une bourse, sans ménagement, en martelant "passetèele de natââ" avec ce glissement irritant des accents toniques qui caractérise les Hexagonaux.

 

Sur le coup de 18 heures, ils ont passé quelques minutes sous la salamandre pour faire un agréable ... petit quatre-heures! Sucre impalpable, cannelle en poudre et ... le fond du magnum entamé avec notre chevrière et notre brasseuse samedi dernier. Slurp et re-slurp.

 

Ma première visite à La-Chapelle-de-Rousse, au pays des gaves, remonte à la toute fin des années '80.

Jean-Bernard Larrieu était le jeune fils d'un agriculteur installé en polyculture et il avait repris à son compte les

4,5 ha de vignes de la famille, menées en hautains comme il se doit. On sentait encore un peu le gaz de Lacq quand le vent le portait, à cette époque. Et j'ai été conquis par ce qu'il m'a fait déguster: il commençait, lui, à expérimenter avec un petit passage en barrique.

 

Depuis lors, la propriété s'est développée, la gamme aussi et le Clos Lapeyre s'est imposé comme une valeur sûre de l'AOP Jurançon. Je pratique régulièrement ses vins, d'autant que beaucoup de nos restaurateurs les proposent aussi à la carte. 

 

Ce magnum-ci (un cadeau du boss si je me souviens bien) contient une grande réussite de la gamme. Il s'agit de petits mansengs cueillis en passerillage, dans un millésime très flatteur. Ce niveau est rebaptisé Magendia si j'ai bien compris. Ne vous attendez pas à ces surmaturités un peu pâteuses comme on les rencontre hélas en Aquitaine, ni non plus aux miels presque rieslinguesques du val de Loire - dont je raffole également. Le Jurançon moelleux de classe mêle une acidité fine (le manseng et la concentration) et un sucre non-botrytisé (ou si peu). On se rapproche des aszu hongrois et de certains Beerenauslese évolués (pourtant en pourriture noble).

 

L'accord avec la gâterie lisboète était parfait.

 

Je ne peux m'empêcher de vous compter une anecdote liée à un autre passage en région paloise, pour le compte d'In Vino Veritas. On était plus proche de l'an 2000, j'avais rendu visite à Jean-Bernard aussi, et c'est une compagnie aérienne aujourd'hui disparue qui m'avait convoyé. Bref: les halles de Pau abritent un marché au fromage fantastique. Un biélhôtt me permet de déguster une tomme de brebis somptueuse et son voisin me sert d'interprète  - son dialecte et moi mettons un peu de temps à nous apprivoiser: "Il vous la fait à 6000".

Mon franc à moi tombe enfin: 6.000 anciens francs français du kilo! Un bon segment de tomme rejoint mon sac à dos et je fais route vers une librairie occitane du voisinage, où des ouvrages m'attendent pour des amis. Au moment de régler, j'entrouvre ledit sac pour saisir mon portefeuille et ... le silence se fait subitement dans le magasin. Tout le monde à flairé le frometon! 

 

Arrivé à Orly quelques heures plus tard, le personnel de cabine ouvre le compartiment à bagages au-dessus de ma tête et ... tout les passagers se tournent vers moi comme un seul homme: encore ma tomme! 

 

L'athée que je suis, occasionnellement bouffeur de curés s'ils sont rab(b)iques (un comble!), a cependant été baptisé! Mes grands-parents paternels étaient des croyants convaincus - ce que je respecte - et des bigots finis - à mon corps défendant. On n'a pas voulu leur déplaire, paraît-il.

 

Dommage, j'aurais bien sacrifié à la tradition locale et,

comme Henry IV, me laisser oindre au bon vin de Jurançon.

 

 

 

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