Småglik maltid
Je ne suis jamais allé en Inde (aux Indes).
- "Alors, ferme ta gueule!", me dira-t-on.
Parce que vous, vous êtes allés sur la lune, bien sûr!
Je suis allé en Suède, par contre (juin 1983). Même que j'y ai présenté une observation clinique, lors d'un congrès qui se tenait dans le grand auditorium de Karolinska; oui, là où on décerne le Prix Nobel de Médecine. Il y avait 1.600 personnes pour m'écouter, les pauvres!
Pauvres, ouaip, mais pas autant que les intouchables de la population indienne. Ces outcasts, créés par cette grande organisation de culture qu'est l'hindouïsme et récupérés, pour partie, par cette autre secte religieuse consolatrice, l'Islam. On pense que, bientôt, il y aura plus de 300 millions de Musulmans en Inde, détrônant ainsi l'Indonésie.
Nos bons pères à nous ont loupé le coche, probablement car ils craignaient que les épices orientales n'échauffassent le sang de leurs ouailles.
Vous voyez où je veux en venir, non?
Dans un pays de cases, il ne sert à rien d'enfoncer les portes ouvertes. L'immense V.S. Naipaul a écrit des pages magnifiques là-dessus, et notre Lieve Joris à nous s'en est faite l'exégète (pas vraiment).
Ce qui justifie cette - trop - longue entrée en matière est l'ouverture ce matin du premier magasin ... ikéa en Inde.
Ils ont inscrit sur la façade du restaurant (1.000 places):"Småglik maltid"; faut oser, non?
Est-ce qu'ils ne sont pas fous, ces Suédois?
Je ne vais pas vous faire l'injure d'analyser le paradoxe que constitue ce scandale. La simple énumération de quelques faits, des news qui ne sont pas fake, me donne autant la nausée que l'idée de cette crasse qui règne partout ... sauf autour des hôtels pour touristes, bien sûr (et encore).
Jadis, une société étrangère devait s'associer à des locaux pour s'implanter dans ce pays. Je trouve cela logique, raisonnable et équitable. A présent, les marques étrangères peuvent détenir 100% du capital de leur succursale indienne. Elles doivent cependant répondre à deux conditions: (i) investir au moins 1,3 milliards d'euros ("Combien est-il en roupies, please?") sur cinq ans, car on ne désire pas attirer les "petits joueurs" et (ii) acheter au moins 1/3 des matières premières dans le pays-même.
Ce deuxième point me pose problème. La firme suédoise, au début, a connu une grande expansion grâce au fait que beaucoup de ses articles étaient dérivés du ... bois. Or, l'Inde se heurte à une grave problématique de déforestation. On vous dit, en souriant quand même sous son turban (ce qui n'est pas très shik, hahaha), que c'est pour éviter les nombreux décès liés à la présence des tigres et des éléphants, animaux sylvestres par excellence. En fait, cela remonte déjà à l'exploitation du teck par les chantiers navals des comptoirs hollandais et perdure pour des raisons de combustible et d'industrie jusqu'à ce jour, avec les Indian Forest Acts de l'empire britannique comme station intermédiaire à la fin du 19ième siècle. On est passé de 6 milliards d'ha de forêt avant la colonisation à la moitié à présent.
Il me semble qu'il faudra convaincre le sous-continent de "bouffer Swedish". En effet, ikéa met également l'accent sur la partie restauration de son C.A. Or, les "ballekes" (kotbullar) suédoises au porc et au boeuf sont aussi célèbres que les allumettes du même nom. Et l'aquavit ne fait pas recette au pays du darjeeling peu infusé.
Enfin, le principal attrait des meubles de cette marque, outre un design spécifique qui plaît (c'est mon cas) ou déplaît suivant les goûts, est le fait d'acheter une espèce de meccano à monter soi-même; boys with toys (and tools). Or, dès qu'un Indien qui se respecte a un peu d'argent, dès qu'il roupille sur des roupies, son premier souci est d'abandonner toute activité manuelle et de faire du gras. Les autochtones aisés paient donc des sous-fifres pour TOUT. Inconcevable dans ce cas de lire une notice de montage et de saisir une petite clé Allen en fer blanc qui se tord dans tous les sens. Qu'à cela ne tienne, la firme suédoise a conclu un accord avec Urban Clap, un prestataire qui se chargera du montage des meubles pour un supplément modique, des roupies de sansonnet en somme!
Bon, vous avez compris le scénario, aussi haletant qu'une superproduction de Bollywood.
Comme Gregg Tabibian, "J'suis pas content!"
PS: à ses propres dires, Gregg n'est pas éloigné des préceptes Vegan, lui.
C'est un des points essentiels qui nous distinguent.
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