IL SAVAIT FAIRE ECLATER LES RATTES

 

 

 

Je n'avais pas rencontré le chef de cuisine Robuchon,

ni mangé dans aucune de ses adresses, ateliers ou pas.

 

 

 

 

 

Une fois pourtant, indirectement, il avait pris place par l'esprit à ma table. Feu André Parcé avait eu l'amabilité de m'inviter au restaurant, excellent, du Park Hotel de Perpignan, au bas des escaliers monumentaux qui montent vers Saint Jacques et le palais des rois de Majorque. C'était dans le courant des années '90, je crois. Mon regretté confrère y avait ses habitudes et tentait de maintenir aussi haut que possible le niveau de la gastronomie dans le département. Oh, non pas qu'il n'y eût point de bons chefs ni d'excellents produits ici, mais il n'y avait que très peu de gastronomes exigeants pour se régaler de leur talent. Cela n'a d'ailleurs pas changé, hélas. Et il avait obtenu de M. Robuchon, avec qui il était en bons termes, que celui-ci envoyât un pâtissier formé chez lui pour officier au bord de la Basse. Nous avons donc mangé des desserts "inspired by Robuchon" ce jour-là.

Je ne sais pas comment on dit cela en japonais.

 

Joël Robuchon n'est plus depuis 10 jours, parti des suites d'un cancer du pancréas, comme ce fut le cas d'Hamilcar Michiels, mon prédécesseur au CERIA et de Mme Aretha Franklin, hier. Vous savez qu'on peut, d'après moi, ironiser sur tout sans pour autant que ceci signe un manque de respect. Il est dès lors heureux que ce ne soit pas une maladie de la ... rate, dilatée ou pas, qui ait mis fin à ses jours.

 

Lisez ICI une des versions de sa fameuse recette de la purée.

 

Il a fallu dix jours pour préparer ses obsèques publiques, célébrées ce jour à la Cathédrale de Poitiers. Il était originaire de cette ville, d'un milieu modeste et très religieux. Ce n'est un secret pour personne qu'il appartenait pourtant aussi à la GL de France. Je n'ai jamais bien compris cette apparente dualité, pourtant fréquente. On dit de mon propre père, que je croyais athée, qu'il était un agnostique; et il avait adhéré pendant plus de 50 ans, je crois, à la loge. Ma grand-mère maternelle était franc-maçonne aussi, mais le "rite écossais" n'acceptait pas les femmes en Belgique à l'époque - vous savez combien la tolérance des frères est grande ! - et elle allait donc assidûment au Grand Orient. Tandis que ma mère, qui a l'intuition d'une force supérieure, d'une espèce d'immanence, que je tiens pour une "déiste" donc, ne s'est affiliée à ... rien du tout. Mon frère et moi sommes de vrais mécréants qui combinent toutefois une compréhension totale envers la foi des autres (ne jamais en discuter cependant) quand elle est sincère et une défiance vive envers toute hiérarchie cléricale.

Je n'aime pas les curetons, ça, c'est sûr. 

 

Je vis en France, par choix au début, un peu par force à présent car des attaches puissantes y sont nées, mais m'y trouve réellement de plus en plus étranger, un peu comme l'Usbek de Montesquieu.

 

Je ne comprends à ce titre pas pourquoi des centaines de personnes éprouvent le besoin de venir communier au sein même d'un lieu de culte bien en évidence pour "célébrer" (= pleurer) ensemble la perte d'une célébrité disparue. Et de nombreux Japonais, qui ne sont a priori pas chrétiens pour la majorité d'entre eux, ont fait le voyage aussi.

 

Le fait de devoir se déplacer matériellement pour faire le deuil d'un être cher et/ou apprécié me sidère. Mais chacun a sa perception. Je suis allé plusieurs fois sur la tombe de Brassens, y compris avec des amis intimes, mais c'est au cours d'un petit détour et presque comme un clin d'oeil. Je vais aussi de temps à autre au Père Lachaise mais là je profite d'un billet de groupe: j'y rencontre une cohorte de chers disparus.

 

Et beaucoup des ténors du piano (curieuse formule j'en conviens) ou des cadors de la mandoline le font pour se montrer, point barre. C'est la loi du food-business qui veut ça.

 

Ensuite, se réunir dans ou devant un lieu de culte me semble signer avec force son appartenance à cette communauté, ou en tout cas faire grand cas, justement, des convictions du défunt en la matière. Or, M. Robuchon  - et je ne l'en blame pas - a célébré au moins trois des sept péchés capitaux désapprouvés par sa confrérie: la gourmandise bien sûr (et heureusement pour nous!), l'orgueil puisqu'il a couru après les médailles, les honneurs, les distinctions et l'envie puisque c'est la base de tous les concours: on essaie d'obtenir la victoire que les autres n'ont pas ou n'ont plus. Sans parler de l'argent qui circule dans les palaces et les trois étoiles.

Quand est-ce que Bayer va racheter Nestlé? 

 

Enfin, je suis un gourmand invétéré moi-même et cuisine un peu, maladroitement mais avec application, et ne suis donc pas suspect de mépriser cette activité humaine. Mais quand même, qu'est-ce qui élève au pinacle ces chefs-vedettes? En quoi sont-ils tellement supérieurs aux autres très bons cuisiniers, que je connais, qui constituent l'essentiel de mes clients en plus?

 

Je trace le parallèle avec Johnny. Comment a-t-il pu triompher presque au même titre que Victor Hugo avant lui?

Et c'était devant une église aussi (pas Victor Hugo, NB). 

 

Parce que c'est la France, un pays si étrange, si incompréhensible ... une fois!

 

 

 

PS: Perrine était servante chez Monsieur le curé.

Elle lui faisait très bien à manger.

C'est pour cela que la France est la meilleure fille de l'Eglise. 

 

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