C'est Baptiste Ross-Bonneau
(La Barbacane) qui a attiré
mon attention sur ce lien: ICI.
Eh hop, mon anecdote.
Je pense que l'histoire se déroule à l'hiver 1989, dans ces eaux-là, ou un tout petit peu plus tard. Cela fait un semestre que j'ai emménagé à Wemmel et nous partons fêter un événement ou l'autre en Alsace. Confortablement salarié chez un fabricant d'antibiotiques en vue, J'avais réservé bien à l'avance une table dans le restaurant d'Emile Jung, une des belles adresses de l'Est de la France. Entre mon coup de fil et la date prévue, Le Crocodile avait subrepticement gagné une étoile chez Bibendum, en totalisant à présent trois.
Je n'avais pas trente cinq ans, ma compagne n'était pas encore la mère de ma fille et paraissait en outre nettement plus jeune que sa petite trentaine (même pas) de berges. Cette maison très stylée nous dévisagea avec un brin de surprise à notre entrée dans la salle, vers neuf heures moins le quart. C'est tard pour l'Alsace mais c'est tôt quand on vient de faire toute la route depuis Bruxelles. Le sommelier nous installa (la deuxième petite table dans le fond à gauche sur la photo), le reste des convives en étant déjà au moins au deuxième service et "utilisant" tout le personnel disponible.
Nous avons d'abord été pris un peu de haut mais le ton a changé après ma commande des vins. L'établissement pratiquait des prix conformes à son standing, mais certaines "affaires" crevaient les yeux, dont un très beau millésime du riesling sur le Geisberg de Kientzler. Cette bouteille, plus du SGN de gewurztraminer avec le foie gras, et encore un autre choix pour faire bonne mesure, nous ont rangés dans la catégorie des dîneurs à bien recevoir.
Je sais que j'ai pris un potage aux légumes, la seule fois de ma vie où un grand chef proposait cette spécialité à la carte, et aussi du foie gras. Mon souvenir n'est plus parfait et, si le repas fut bon, c'est la moindre des choses, il n'a pas été époustouflant.
Le reste de l'histoire décoiffe plus. Nous avions garé en sous-sol et l'accès passait par un escalier qui tournicotait, si mon souvenir est bon. En chemin, le chef est sorti de la cuisine pour nous saluer. Nous étions les derniers.
J'étais passablement "cuit" et nous avions réservé un hôtel en périphérie, dans les bois. Au sortir du garage, un épais brouillard recouvrait Strasbourg: on ne voyait pas le bout du capot. Tant que nous étions restés en ville - longtemps en fait vu le train de tortue - ma passagère avait mis le nez à la fenêtre et me guidait en fonction du trottoir. Une fois sortis de l'agglomération, elle s'en alla marcher lentement devant la calandre. Nous avons mis pas mal de temps à retrouver la belle grosse villa où nous avions simplement déposé nos affaires en arrivant, sans trop reconnaître les lieux. Mais le temps de refermer le loquet de la porte de la chambre et ... je dormais déjà.
Je suis obligé de reconnaître, et celles qui ont partagé ma table
- et plus si affinités - lors de mes escapades gastronomiques du 20ème siècle le confirmeront,
que ma lucidité était régulièrement prise en défaut après les agapes.
J'évinçais discrètement Evin!
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