Ce blog a pris depuis quelques semaines
un virage important.
Sa parole s'est un peu libérée,
n'en déplaise parfois à certains.
J'ai rencontré Joël Gigou pour la première fois dans le show-room de Xavier Erken, je crois, un hangar aménagé aux murs chaulés. Mais je connaissais bien sa production. En fait, je l'avais brièvement croisé lors de salons vineux où il présentait ses jolis vins ... que personne ne connaissait à l'époque.
Très tôt dans mon récit, vous avez droit à une de ces anecdotes dont je vous abreuve régulièrement. La scène se passe sur les chaises en alu gaufré, dont les rivets mal montés vous lacéraient les pipes de pantalon, du restaurant d'Eric Boschman, Le Pain et le Vin. Nous avons ce jour-là, mon ami Xavier VDG et moi, quelques invités représentant la cardiologie bruxelloise. Eric jouait encore avec beaucoup d'autorité le rôle de sommelier directif et nous avait servi un vin blanc excellent mais vif. Les cardiologues, plus habitués à des Meursault ou au Clos Floridène, ne l'ont apprécié que modérément. Tant pis pour eux. Notre facétieux échanson, ayant perçu leurs réserves (il a du métier), a fait très fort dans la provocation, servant à la suite un ... Coteaux-du-Loir d'un millésime, euh, perçant. Je ne suis plus certain, mais cela pouvait très bien être un 1987 de Joël.
Un long temps s'écoule ensuite, comme le Loir à La Chartre. De passage dans la Sarthe, après un séjour ligérien visant à ramener du Chinon de garde pour commémorer le millésime de naissance du petit-fils Christine - ce qu'on a fait avec grand succès - nous nous trouvons à un jet de pierre (à fusil, forcément) du coteau qui donne son nom à une appellation: le Jasnières. Nous montons jusqu'au point de vue qui domine les environs et puis allons manger un morceau au sympathique Hôtel de France. Je vous ai déjà raconté cet épisode. Et c'est là que nous prenons rendez-vous au domaine.
Sylvie, qui fonda l'exploitation avec son ferronnier de mari, nous y accueillit avec grande gentillesse. Au moment de prendre congé, commande dans le coffre, nous sommes interrompus par l'arrivée d'une "oldie" de couleur jaune moutarde, une Iso Rivolta je crois. Et, visage toujours buriné, mélange de Boringer et de Keith Richard en plus acéré, Joël Gigou débarque. Je me suis rapidement présenté et il m'a "remis", je crois. Nous avons échangé quelques bouteilles, dont celle que je vous présente. Quel magnifique cadeau!
Avant-hier, il y avait du beau homard bleu dans un vivier. Mais un modeste vigneron du sud n'en mange pas tous les jours. Des tourteaux, petits mais attirants, "nageaient" dans le bassin à côté. Ils ont rejoint le coffre, puis notre frigobox. Peu après, ils se prenaient un bouillon, court et très amélioré par un bouquet garni de luxe. Ils ont passé la première nuit au frais, cuits à point. Hier soir, rien qu'avec du jus de citron et une petite mayo, ils ont fait notre délice. Christine en est d'accord, cela fait longtemps que nous n'avions plus mangé du si bon crabe (femelles,
600 gr chacune).
J'ai ramené de Belgique une partie de ma cave personnelle, lors de mon installation. Il y a belle lurette que je n'ai plus du tout de blanc sec qui en provenait. Nos achats sont forcément limités, d'autant que Christine ne supporte pas les sulfites et ne se sent pas tentée par plus d'un verre de blanc le soir, de crainte d'une mauvaise nuit. Chaque flacon que j'ouvre, sauf quand il s'agit de la Cuvée Civale, correspond donc à une longue cogitation.
Eh bien, amis lecteurs, ce "vieux" Jasnières (VV de 2000, sec) a fait des étincelles.
La robe est dorée, bien limpide. Le nez s'ouvre sur des notes incomparables car seul un chenin montrant un peu d'oxydation peut afficher cette palette: noisette, cire d'abeille, champignon, olive verte. Bien sûr, il y a un peu d'une manzanilla ou d'un jaune du Jura, mais aussi du Montlouis. Le tout est discret, fin, subtil. En bouche, l'acidité est encore bien là - c'est de mon goût - mais couverte par beaucoup de gras. Aucun sucre et peu d'alcool (12 vol% dit l'étiquette). Quelle longueur!
La chair du tourteau, le côté acerbe du "Schuss" de citron, l'onctuosité de l'émulsion ont fait BINGO avec ce vin. Une très grande réussite qui m'a conduit à ... vider la bouteille entière (et autant de verres d'eau pétillante). Christine n'en a pris que quelques gorgées.
Merci à Joël et Sylvie, les généreux donateurs.
PS: Attention toutefois, j'ai souffert d'effets secondaires immédiats. Non pas au niveau digestif, hépatique ou cardiaque (tachycardie). Mais il semble que j'ai posté ensuite un petit commentaire (sur un sujet sans rapport) sur la page FB de Christine, contenant des moqueries appuyées. Je ne m'en souvenais absolument pas ce matin alors que je vais parfaitement bien (pas de gueule de bois, pas de fatigue, pas de mauvaise nuit).
J'ai peine à le croire. Désinhibé, moi? Ce serait vraiment étonnant.
Plutôt que les bêtises imposées par la législation et les directives de la loi Evin, je suggère d'apposer la mention:
"Attention, cette bouteille de bon vin pourrait vous rendre très taquin!".
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