MONTNER-UPON-THAMES

 

 

 

 

 

"London calling to the faraway towns

Now war is declared and battle come down ...

 

Engines stop running, but I have no fear

'Cause London is COOKING, and I,

                        I live by the river."

 

 

 

 

 

 

Cela fait longtemps que cette chronique me trotte dans la tête. Ce matin, j'ai échangé quelques phrases avec le chef de Montner, Pierre-Louis Marin, qui partira au bord de la Tamise (enfin, pas loin) pour réaliser un "Quatre-Mains". Nous avons évoqué, au gré de mes divagations, la notoriété respective de Georgie Best, le phénoménal dribbleur irlandais qui avait fait les beaux jours de Man U (on l'appelait parfois le 5ème Beatles pourtant) et certains chefs emblématiques de la gastronomie de terroir. 

 

Le seul luxe réel de mon existence, de toute mon existence, est d'avoir été éduqué dans le culte du beau (à chacun ses goûts) à la maison, mais encore plus du bon, par ma grand-mère surtout. C'était une épicurienne, une gourmande, un gourmet - non, Marlène Schiappa, on ne dit pas une gourmette, sauf chez les bijoutiers céfarades - un cordon bleu et une "égoïste qui aimait partager". La table, au domicile mais encore plus au restaurant, a toujours joué un rôle important dans mon parcours. D'ailleurs, à l'adolescence - qui fut pénible pour moi et pour mon environnement, mais non délictueuse - mes sujets de révolte ont consisté à (i) détester l'école , surtout; à (ii) ne plus vouloir partir aux sports d'hiver (activité "bourgeoise"); à (iii) essayer d'obtenir l'autorisation de laisser pousser mes cheveux (refusée) et à (iiii) ne plus accompagner au restaurant. Ce dernier poste m'a été pénible et n'a duré qu'un temps. Par contre, l'enseignement (subi) me débecte toujours alors que j'aime l'éducation, l'instruction, l'apprentissage ... 

 

Mais une chose a changé. Jadis, la bourgeoisie gourmande allait quelque part pour manger la "spécialité du chef", souvent constante durant des décennies, ou bien pour se faire préparer le plat dont ils avaient envie, parmi un éventail de grands classiques. Vous remarquerez au passage que j'ai commencé la phrase par "la bourgeoisie" (féminin singulier) mais que je suis ensuite passé au "ils" avec un accord au masculin pluriel. Ce n'est pas correct en français, même si les Anglais utilisent beaucoup ces "collectifs" (avec the police, avec team, avec news, data, toast ...). Pour le sens, it makes sense, par contre.

 

Maintenant, il va de soi que les menus "à thème" continuent d'attirer, que la saison de l'année joue un grand rôle, que le côté régional impose de plus en plus sa marque, mais, le plus souvent, les gastronomes avertis (ou réguliers, ou compulsifs) se laissent faire par les propositions du restaurant. Il faut dire aussi que la disponibilité plus grande de denrées jadis réservées aux professionnels, d'ustensiles beaucoup plus faciles à utiliser et surtout d'un savoir-faire dévoilé par les chefs eux-même au grand public à fait varier le centre d'intérêt. Je me souviens de deux "surprises" fantastiques de ma tendre adolescence: des cuisses de grenouille préparées avec une sauce légèrement tomatée et de l'estragon aux Ducs de Bourgogne à Bruges et surtout une mousseline au Sancerre du temps où Freddy van de Casserie détenait *** à la vilaine Laura. Ce fut le début de la "fantaisie" et une révélation pour moi. Toutes ces recettes, un amateur attentif les réalise très bien à présent. 

 

Et pourtant, mon seul vrai luxe actuel, mais j'ai la chance qu'il rentre dans les activités incontournables d'un vigneron qui distribue lui-même sa gamme, est de continuer de m'asseoir souvent à une bonne table. Christine y a pris goût aussi et se montre parfois plus sévère que moi. Eh bien, nous ne savons quasiment jamais de quoi notre repas sera fait avant d'arriver et pourtant nous savourons presque toujours des repas de rêve. Cependant, au bout d'une année, il est rare que nous ayons mangé deux fois la même chose!

 

Ce long préambule, nécessaire pour que j'y voie clair moi-même, me permets d'aborder ma démonstration, enfin. Les cuisiniers ne proposent presque plus jamais une carte immuable (même excellente). Ils utilisent leur intuition mais aussi les influences extérieures, et ils invitent des collègues, parfois des rivaux (!), à partager la cuisine. Pourtant, leurs honoraires se coupent en deux ce soir-là! 

 

Ceci comporte un risque, et même plusieurs. Si l'équipe de cuisine n'est pas bien rodée et soudée autour du second, le niveau baisse quand le chef s'absente. Ce n'est pas par manque de savoir-faire, mais bien car l'autorité faiblit: "Quand le chat est parti ... le Whiskas envahit les assiettes". A la longue, la clientèle s'aperçoit que le patron n'est pas physiquement présent et se sent délaissée, même si l'assiette reste bonne, à l'identique. Moi, comme tous les autres, j'aime la petite visite du chef en salle après le service. Quand j'allais à Porquerolles, du temps de Richard Auther, j'appréciais que jacques Chirac remît un slip et vînt me serrer la main depuis Bregançon ... 

 

Ce week-end se termine à Valence un festival gastronomique qui met en présence beaucoup d'acteurs culinaires. Nous avons des contacts (et des livraisons) avec certaines des belles maisons de la Drôme et de l'Ardèche, puis aussi du Vaucluse et de l'Isère. J'ai donc analysé le programme, après l'avoir demandé ... chez google ("Frisco, bonbons acidulés, demandez le programme ..."). Il y a beaucoup de happenings à quatre mains. Mais Anne-Sophie Pic m'a twitté: "Léon, ne viens pas, tu es trop occupé. Je passe à LF la semaine prochaine et on s'arrangera".

(NB: pour les moins "fut-fut" et les marcheurs, je précise que ceci est une fake-news).

 

Une excellente table audoise a vu son macaron sortir côté cour et revenir un an après côté jardin, alors que la pièce n'avait pas baissé en qualité. On reprochait au chef de mettre en selle un collègue moins expérimenté dans un autre endroit de la région, et donc de ne pas être sur place tout le temps. Moi, je trouve cela ridicule. A l'inverse, toute la confrérie des pleureurs qui nous en a fait des tonnes sur la disparition de Joël Robuchon - et ce n'est pas à ce grand personnage lui-même que j'en fais le reproche - rappelait avec envie et fierté qu'il collectionnait 32 étoiles Michelin sur sa seule toque! Le nombre d'établissements qui se revendiquent de M. Ducasse n'est pas triste non plus. 

 

La vérité, comme toujours, se trouve au milieu: un chef-voyageur enrichit son savoir et fait briller sa réputation. Les rares absences sont préparées et rien ne le laisse percevoir. 

Une "star" toujours entre deux vols(au-vent) ne m'intéresse pas trop.

 

Pour terminer sur une autre métaphore musicale: quand les Travelling Wilburys se réunissaient, The Band, The Beatles, The Heartbreakers, ELO ne jouaient pas, et on n'entendait pas "Oh, Pretty Woman". Mais ils n'ont sorti que 2 albums studio ensemble. 

 

Quoi, ma chronologie débloque .... ? 

 

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