Vous savez que
je n'emporte jamais de portable.
Et pour les "selfies",
c'est un fish-eye qui me les affiche.
Nous prenons nos repas en clientèle, exclusivement, sauf impossibilité absolue (Madagascar, Ushuaïa, Litli-Árskógssandur ...).
Dans Toulouse intra muros, il ne nous arrive quasiment jamais de manger le soir, c'est-à-dire de dîner.
Christine est facilement éblouie par les scintillements des phares dans les verres progressifs de ses lunettes, et moi je perds toute notion de contraste en vision nocturne. Sortir des parkings, puis de la ville, et trouver le bon embranchement vers notre gîte etc ... deviennent pénibles après un repas copieux et quelque peu arrosé. Pour Quint-Fonsegrives, Aureville ou Pujaudran, c'est plus facile, d'autant que l'électronique de la voiture a l'habitude du chemin, depuis le temps …
Cela fait un moment que nous voulions honorer la table de Pierre Lambinon et l'accueil de son frère Clément mais il fallait trouver le bon créneau à midi. C'est chose faite: vendredi dernier, en saine logique, nous sommes allés à la «descente de la Halle-aux-Poissons» pour prendre une table chez PY-R. Oh, notre première visite, il y a à peu près deux ans, ne fut pas de tout repos. Nous avions quitté la banlieue est de Toulouse, avions dépassé Château de l'Hers, la Côte Pavée et un bon morceau de Saint-Etienne avant de caler; tout cela au flair. Ensuite, l'appli style GPS du portable de Christine nous avait conduits, de sens interdit en sens unique, jusqu'au mur d'une voie sans issue, le restaurant se situant 20 mètres au-delà à vol d'oiseau, utterly inaccessible bien entendu car la Kangoo n'est pas un corbeau.
Enfin, après une paire de dégustations extensives, les deux frères et leurs sommeliers de l'époque avaient ajouté du vin sec et le Maury du domaine à la jolie carte. Gault & Millau, pour leur part, la trouvent peu originale, mais il me semble qu'ils n'ont pas suffisamment pris le temps de l'ouvrir, ou alors peut-être est-ce car elle ne contient pas assez de ce «vin nature» imbuvable qui fait florès auprès des bobos?
Le repas commence par une improbable déclinaison de petites bouchées, toutes plus savoureuses les unes que les autres. Le problème est de déterminer dans quel ordre les aborder. J'ai particulièrement aimé cette huître juste tiède à peine rehaussée d'une compotée de poivron et d'une évocation d'agrumes. Bon, d'accord, j'adore les huîtres, en mange au moins une fois par semaine et ne mets jamais de vinaigre dessus. Il faut dire que nous les payons 5 € le kilo chez l'ostréiculteur à Leucate et que ce gentil garçon n'est autre que le mari de l'infirmière qui s'occupait de «Tonton» durant la fin de sa vie à LF. Elles possèdent donc pour Christine et moi un parfum particulièrement apprécié.
Ensuite, la lotte est grillée puis posée un bref instant sur le fumoir au bois de hêtre. Les légumes travaillés de diverses manières sont un bonheur. Hêtre ou point de hêtre, nous avons tranché de manière péremptoire:
" ... And thus the native hue of resolution
Is sicklied o'er with the pale cast of thought,
And enterprises of great pitch and moment
With this regard their currents turn awry
And lose the name of action.
Beech it shall be."
L'échine de cochon, tout juste caramélisée, entre rosé et à point, est entourée de cocos. Ben oui, le Lauragais n'est pas loin.
Le diabétologue, ce gâche-plaisir, m'interdit de parler des desserts. Ils débarquent pourtant en trois services, dont une espèce de cylindre (paroi de caramel au chocolat) rempli d'une crème presque aussi dense que de la ganache et couvert d'une tuile au chocolat, autre crème par dessus, en panache posé à la douille!
Mais non, je n'ai rien dit.
Le café est léger, mais aromatique et on termine avec un bon 300 gr / 100 ml de glycémie, ce qui donne tout son sens au stylo à insuline. Je déteste me piquer pour rien!
Merci à toute l'équipe qui nous a accueillis depuis le début, y compris les apprentis-sommeliers successifs ayant maintenant pris leur poste ailleurs. L'ambiance est détendue au sein des briques blanchies, mais le service est attentif et l'assiette très précise. Un petit conseil aux convives et aux fournisseurs: le frère du chef passe de-ci de-là avec un air de ne pas y toucher. Mais il vous tient à l'oeil et dispose d'une mémoire très vive des détails et un humour tout personnel.
La preuve, il dit que je ne parle presque jamais
et que Christine ne connaît rien aux tarifs pratiqués …
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