Il y a presque un an,
un TER coupait littéralement
en deux un autocar.
Six enfants qui regagnaient leur domicile peu avant les fêtes de Noël 2017 y laissèrent la vie, d'autres victimes étant sévèrement blessées. C'est pour les parents et les proches qu'on doit essayer d'approcher la vérité et qu'il faut oeuvrer pour que cela ne se reproduise pas.
Il s'agissait d'un car de ramassage qui ramenait les collégiens de l'établissement scolaire Bourquin (Millas) vers les communes de St Feliu (d'Aval et d'Amont).
Moins d'une heure après le drame, le procureur affirmait (depuis Marseille si mon souvenir est bon) que la conductrice avait forcé les barrières. Sur quelle foi?
Sur la base de ce que les organisations syndicales majoritaires de la SNCF ne peuvent être prises en défaut par le biais d'une inefficacité de leurs troupes, souvent affirmées par le public, à tort ou à raison, et sur la base d'une invulnérabilité de M. Pépy, le boss, défendu par une coterie d'intouchables de la machine d'état. Alors que ces deux parties sont totalement opposées en apparence - ainsi que dans leurs gesticulations - elles forment en fait une alliance objective, depuis très longtemps.
Et la semaine dernière, les "experts" ont fait paraître un communiqué incriminant de manière tendancieuse la conductrice.
On sait que celle-ci prenait des médicaments (licites et prescrits) qui peuvent diminuer la vigilance.
On sait qu'un freinage "violent" a été mis en évidence.
On sait aussi que la demi-barrière du côté où l'autocar arrivait a été endommagée, tandis que la demi-barrière du côté "libre" n'a pas subi de dégâts. Elle est d'ailleurs toujours à sa place actuellement.
Les témoignages vont dans tous les sens, comme toujours: certains (adultes, élèves sur place, riverains, conducteurs de passage occasionnels) ont vu la barrière fermée, d'autres l'ont déclarée ouverte et un bon nombre de personnes signalent des dysfonctionnements fréquents de la signalisation sonore ou lumineuse et des écarts d'horaire important sur ce tronçon. On n'en tirera rien: le témoignage humain est notoirement infiable et manipulable.
L'avant de l'autocar, aperçu sur de nombreuses photos, n'a nullement été fracassé et le pare-brise est intact. Cela n'exclut évidemment pas un petit impact. Mais pour faire voler en éclats une barrière?
Hier, j'ai emmené un proche sur les lieux, à sa demande. Il était chauffeur routier jusque récemment, très expérimenté, et voulait comprendre.
Ma photo est prise de l'endroit où la conductrice arrivait. Elle doit prendre le virage à gauche, après s'être arrêtée à un "stop" et en s'efforçant de ne pas mordre de trop sur les deux petits terre-pleins matérialisés. La voie ferrée se trouvait là où les blocs de béton l'interrompent pour le moment.
Le scénario est le même, que la barrière ait été abaissée comme l'affirme sans aucune preuve la SNCF, où qu'elle ait été levée comme le prétend sur sa seule bonne foi la conductrice. D'abord, elle s'engage à petite allure
(12 km/h dit l'enquête et nous ne le contesterons pas) dans un virage à gauche la menant dans l'axe de la route, perpendiculaire à celui du train bien évidemment. Puis elle freine subitement. Mon chauffeur confirme que l'horodateur marque d'un trait un freinage brutal avec arrêt.
Deux raisons aussi plausibles l'une que l'autre entraînent ce freinage: la prise en compte tardive d'une barrière abaissée ou au contraire un train qui arrive dans le champ de vision alors qu'on est presque engagé suite à l'absence de barrière. Je penche pour cette deuxième solution, vous l'aurez compris.
Quant aux "traces de freinage" dont parlerait le rapport, elles n'étaient pas apparentes dans les jours qui ont suivi le drame - je me suis rendu sur place - et il n'y en a pas à présent non plus. Je ne crois pas, et le chauffeur de mes amis non plus - qu'un bus lancé à 12 km/h, ou même moins, en laisse! Mensonge d'état, un de plus.
Mais pourquoi?
Malheureusement, les victimes lourdes vont nécessiter une indemnisation importante. La SNCF est toujours de mauvaise foi dans ce genre de situation (voir l'affaire de Brétigny-sur-Orge) et une victime sans défense - en l'occurrence une mère seule sans appui politique et présentant une certaine faiblesse psychologique - fait un meilleur fautif que l'incurie, la nonchalance, le délabrement et l'à-peu-près endémiques de la société de transport publique. L'assurance de l'employeur de cette salariée (l'autocariste toulousain), de son médecin généraliste (le prescripteur des hypnotiques ou anxiolytiques), de la médecine du travail (qui n'aurait pas dû garder active cette salariée pendant la durée du traitement) et du pharmacien qui a délivré les boîtes (sauf s'il a bien fait les recommandations d'usage) se disputeront la responsabilité de couvrir les indemnités.
Direction de la SNCF, organisations syndicales, appareil judiciaire et pénal, ministère des transports, bref l'establishment dans son ensemble, ont beau jeu de pointer du doigt la conductrice, et un ou deux professionnels de santé. C'est facile et cela peut rapporter gros, d'autant que les familles éplorées - je les comprends, je les respecte et je compatis à leur peine - souhaitent un épilogue et un coupable tout désigné.
Comme le chantait Le Forestier du temps où il avait encore une conscience sociale:
"Dommage que ce ne soit pas le bon".
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