UNE BELLE VILLA DANS LE COMMINGES

 

 

 

 

 

 

Les thermes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Comminges couvre peu ou prou le territoire tenu par la tribu des Convenae, devenu par après le comté de Comminges autour de la bourgade de Muret. Jusqu'au 13ème siècle, la région comprenait également la zone du Val d'Aran, source espagnole de la Garonne. On est là au pied du pic de Perdiguère - si on veut - un 3.000 au-dessus de Bagnères-de-Luchon. Bon, à vol d'oiseau et avec un peu d'imagination, on s'y croit. Mais la vue sur les Pyrénées est imprenable.

 

Ici coule la Save, affluent de la Garonne sur sa rive gauche, et accessoirement du Danube, mais ce n'est pas le même cours d'eau. Elle baigne les communes de Montmaurin et de Lespugue, après avoir pris sa source au plateau de Lannemezan. Lespugue est célèbre pour sa vénus stéatopyge en défense de mammouth, tandis que Montmaurin abrite l'une des villas gallo-romaines les mieux conservées et les plus étendues.

 

De mon havre au coeur du Couserans, j'ai pris l'après-midi qu'il fallait pour monter vers Aurignac - superbe panorama vers la chaîne des Pyrénées ariégeoises et haute-garonnaises - et redescendre ensuite sur le Comminges. Le temps menaçant a un peu terni les photos, j'ai reçu quelques bisbilles de neige mais une espèce de sérénité druidique (du gui partout) m'a envahi; un Celte parmi les siens.

 

Arrivé peu avant la tombée de la nuit, je me suis enquis auprès du jardinier de la durée autorisée de ma visite: ça va, jusque 17 heures. La préposée à la caisse avait "pris son après-midi" et j'étais le premier quidam de la journée à faire halte sur le petit parking. Pars urbana, atrium, thermes, hypocauste, péristyle circulaire d'accueil ... tout a été passé en revue. J'avais par bonheur prévu mon trépied photographique et j'ai pu réaliser de beaux clichés malgré le peu de lumière. Mieux même, j'avais acheté la veille au tabac de Saint-Girons le seul Havane qu'il vendait (2,90 € pour un module de type gran corona), réduction d'offre secondaire à la différence de prix demandé pour les tabacs en France par rapport à la principauté d'Andorre si proche. Je n'en attendais pas grand chose. Erreur, après avoir allumé la vitole à l'abri du bel arbre surplombant un banc, disposé là fort à propos, un peu à l'écart et sans rien de directement inflammable à proximité, j'ai fait brûler un premier centimètre un peu rude et austère (tabac trop sec) mais le corps du cigare et sa fin ont été délectables, dans le style d'un robusto de Bolivar. Là, j'étais devenu gallo-caraïbe, puff-puff-hugh

 

Tout-à-coup (all of a sudden), un bruissement intense (joli oxymoron) s'est fait entendre au-dessus de moi et une demi-douzaine (six donc) de nuées d'étourneaux se sont succédé (invariable, pas de COD) en l'espace de quelques minutes. Leurs vols virevoltants se croisaient, s'entrecroisaient et s'imbriquaient dans un chahut, un tohu-bohu et un charivari surprenants. Après un bref silence, j'ai compris pourquoi: des sifflements très mélodieux et subtilement modulés ont annoncé la venue d'un vol de douze à quinze milans noirs. Leur escadrille en formation de chasse avait toutes les raisons d'effrayer les passereaux. Moi, je me suis régalé du spectacle. Le milan possède un vol si versatile, si imprévu et si gracieux à la fois; quel acrobate!

 

Mon module presque terminé, les cinq coups de 17 heures (hihi) avaient sans doute sonné au clocher de Montmaurin, mais celui-ci n'est visible que tout au loin, hors de portée de mon oreille. J'ai toutefois pris congé du préposé, que je ne souhaitais pas obliger à des heures supp. soumises à impôt par Manu-le-fourbe. Il m'a expliqué qu'un même propriétaire possédait tous les prés alentour, les terres à maïs et le bétail visible et qu'il avait aussi une petite vigne pour faire le vin de consommation courante de la famille. Mais lui-même préférait "du vin bouché", m'a-t-il confié. Le nez un peu rouge et la facile faconde de mon interlocuteur me l'avaient fait pressentir. Je lui ai offert en partant une bouteille d'Eglise 2014 que j'avais dans le coffre, faisant taire facilement ses protestations de "Oh non, mais je ne veux rien accepter". Je pense qu'un Maroco-occitan de plus ne suivait pas son obligation religieuse d'abstinence. Tant mieux pour le brave homme, et sympathique rencontre.

 

C'est Gisèle, notre hôtesse, qui avait eu la bonne idée de me tuyauter sur ce lieu. Grand merci à elle. Il faut dire qu'elle travaille au collège d'Aurignac, non loin de là, et que Michel, son mari dont je vous parle souvent dans ces lignes, avait été un des inventeurs (< invenire) du site, alors jeune étudiant en histoire. Il avait creusé la terre de ses mimines, participant aussi grâce à ses fouilles curieuses à la mise à nu d'une très belle mosaïque dans un bâtiment situé en contrebas, près des gorges de la Save. Oui, il y a du contrepet dans l'air. Rien à faire, moi je m'entends toujours bien avec les intellos.

 

Merci à eux et merci à l'état français qui m'a offert cette visite à l'oeil,

"RTeTeis causa", comme on dit en latin.

 

 

 

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Comments: 5
  • #1

    Michel de Lacave (Monday, 10 December 2018 12:27)

    Belle évocation automnale du Nymphée de la Villa de Montmaurin.
    La faible lumière, les feuilles mortes et les quelques roses qui font de la résistance en font un univers onirique... On s'attend à apercevoir quelque belle baigneuse en train de défaire le fibule retenant son vêtement...

  • #2

    Charlier Luc (Monday, 10 December 2018 13:45)

    Non, Michel, défaire les fibules, ça c'est MON boulot! Et l'univers est plutôt onanique! Et les toges ne sont pour moins qu'un prétexte (joli!).

  • #3

    Charlier Luc (Monday, 10 December 2018 13:47)

    Il faut lire "pour moi".

  • #4

    Michel de Lacave (Monday, 10 December 2018 14:40)

    fibule est un nom féminin... CQFD.

  • #5

    Charlier Luc (Monday, 10 December 2018 15:34)

    On dit d'ailleurs in fibulas fibularum ...