"Puits Saint-Jacques, Puits Saint-Jacques,
Dormez-vous, dormez-vous?
Chauffez les cuisines, chauffez les cuisines,
Ding-dingue-dong ..."
Le 15 décembre prochain, Christine atteindra sa majorité. A cette occasion, elle organise une fête de famille "extensive" avec le core du clan Civale et les pièces rapportées. Moi, je participerai en spectateur attentif, amusé et gourmand. Je connais déjà le menu et ce sera bon.
Mais, ce samedi, nous avons célébré son jubilé en tête-à-tête et de façon réellement EXCEPTIONNELLE.
D'ordinaire, c'est moi qui cuisine et nous mangeons correctement, voire même bien, sans fausse modestie.
Mais ici, pour marquer le coup, nous nous sommes installés dans une maison qui constitue d'une part une référence dans sa région, mais aussi comme une lanterne, un phare dans notre propre clientèle.
Maintenant, des étoiles qui brillent, vous me direz que c'est plutôt normal!
Le chef Bernard Bach propose une cuisine que beaucoup de très bonnes tables ont un peu oubliée, notamment dans d'autres régions de France, mais que nous affectionnons particulièrement. Je l'appelle "Terroir Plus" et elle consiste à magnifier les produits du coin et à adapter les recettes régionales en leur conférant un petit surplus de raffinement. Il ne s'agit pas de pyrotechnie culinaire. Cette dernière m'ennuie (même si c'est parfois savoureux) et nous n'en comptons quasiment pas parmi nos clients. De temps à autre, un plat "signature" ou une composition réalisée à l'occasion du concours pour le Bocuse ou pour le MOF peut nous plaire, mais la sophistication pour la sophistication, très peu pour moi. La caviar du val d'Aran ou de la Gironde, ils peuvent se le farcir à la louche (et même en quenelle à la M'bala M'bala); moi, je préfère de loin une pépite noire de l'Albenque ou de la Drôme (ou d'ailleurs) et un pigeon du Lauragais. Chacun son truc et je n'en dégoûte pas les autres.
Ma devise: "Plutôt Mondragon que le Crillon."*
Pourtant, cette fois l'homme du Sud-Ouest a laissé faire un gars du nord-ouest de la France, prêtant ses fourneaux, ou plutôt les partageant, pour un quatre-mains (six-mains en fait, car le second de cuisine joue un rôle important à Pujaudran) avec Mathieu Guibert. Ce dernier apporte les embruns du pays de Retz et toute l'iode de l'Atlantique. Enfin, l'iode, on se comprend. Ce terme est stupide, comme de dire qu'un vin est "minéral", mais tout le monde saisi le "signifié" de ce vocable, tous les intervenants. Dame, voilà que je commence à m'exprimer comme Jacques Lacan à présent, danger. Deviendrais-je fou moi aussi?
Nous avons donc cassé la tirelire (pleine mais modeste, pas besoin d'un vrai coffre-fort) et dégusté les sept services, dont deux desserts. Un régal d'un bout à l'autre, avec comme seul bémol que l'écrevisse - j'adore cela et on n'en sert presque jamais (de fraîches, je veux dire) - n'imposait pas sa finesse à la nage délicieuse qui l'accompagnait, ni au chou rave. Là, je pense que l'accompagnement était trop strong, comme on dit dans les endroits chics du Pornic, pour la délicatesse du décapode. Par contre, cette espèce de beurre blanc en lui-même, réalisé au Muscadet et non au Gros Plant, était succulent. J'ai saucé (= fait trempette) comme un malade.
Regardez "la tronche à ma meuf" et vous comprendrez notre félicité. Vous savez qu'elle est de celles qui "jouent pas les starlettes", même si elle porte souvent des lunettes de soleil et passe toutes ses vacances loin de Saint-Ouen.
Au retour, elle a pris le volant (moi, j'avais plutôt pris la dégustation de vins proposée) pour cinq grosses heures de route qui nous ont permis de déjouer les barrages routiers. Ben oui, da, chez les Belges, parcourir du chemin pour bien manger est une espèce de sport national. Ma grand-mère se faisait conduire à Sept-Saulx depuis Bruxelles, quand j'étais tout minot, et m'y emmenait, pour aller déguster les écrevisses au champagne, justement, de l'Auberge du Cheval Blanc, au début des années '60. On vous les apportait partiellement décortiquées mais on se mettait quand même de la sauce plein les mains et sur le grand "bavoir" noué autour du cou ...
Bon anniversaire, Mamie Christine!
*: j'ai choisi cet établissement pour la (f)rime. Si je me suis souvent assis chez Guy et Tina Jullien (que du bonheur), j'avoue
par contre n'avoir jamais mangé place de la Concorde. Keuf' ne m'a pas laissé y aller avec les Gilets jaunes.
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