La fête à Montner
pour Thierry Charlier
Cette adresse est occupée depuis 1999 sans discontinuer par un Marin qui vous propose de l'eau douce mais du vin corsé: Pierre-Louis.
Moi, avant même de devenir un "nouvel arrivant" dans les P.O. - pas un primo-immigrant, NB - je m'y suis assis au tout début des années 2000. La disposition de la salle était différente, la terrasse n'existait pas (sinon en contrebas et enclavée) et la maîtresse de maison accueillait elle-même les dîneurs, avec la timidité hésitante des débutants qui ont peur de mal faire. Mais on y mangeait comme maintenant, exactement comme maintenant.
Certains vous disaient que: "C'est la meilleure table des Pyrénées Orientales", et ils faisaient souvent partie des catalanistes les plus convaincus. Cette affirmation ne veut rien dire, d'autant qu'il y avait un bon chef au Neptune de Collioure, que le Chapon Fin de Perpignan tournait à plein régime, que Jean-Paul Hartmann ne se contentait pas de jogger à Saint-Cyprien, que Bart Thoelen officiait à Laroque-des-Albères, que des brillants seconds venus tout droit d'Eugénie-les-Bains occupaient le terrain chez Biche Barthélémy à Molitg, que le souvenir des Feuillants hantait encore Céret et que notre ami Christophe Comes animait déjà sa Galinette perpignanaise avec brio. Mais on mangeait très bien à Montner, effectivement, déjà très bien.
En février 2014 (presque 5 ans déjà), bibendum reconnaissait ce mérite d'un macaron tout-à-fait à sa place.
Et d'autres "certains" vous disaient: "Oui, mais ce n'est pas vraiment un étoilé". Ils voulaient un parking privatif, un service plus guindé, une cuisine plus pyrotechnique (déstructurée, fumées, écumes ...) et des prestigieux vins prout-prout du Bordelais ou d'ailleurs. Et bien non, la carte du chef n'a pas changé de style, même si elle se renouvelle plus souvent et inclut plus souvent des produits "nobles". Et les prix n'ont pas augmenté eux non plus. Le restaurant n'a jamais bradé sa cuisine par le passé - pourquoi l'aurait-il fait? - et les étiquettes n'ont par contre pas flambé après le Michelin. C'est bien ainsi.
Vous allez me dire que je flatte un client.
Ceux qu me lisent régulièrement savent que ce n'est pas le genre de la maison. Ils savent aussi que la sélection de nos restaurateurs repose surtout sur les choix de Christine et ils sont pérennes: nous avons trop peu de clients mais ils sont de grande qualité et s'inscrivent dans la durée. On mange chez eux chaque fois que trois sous nous le permettent. Dans une vie antérieure, plus rémunératrice, je m'asseyais plusieurs fois par semaine au restaurant: j'adore cela (et mon frère aussi).
Pour tout vous dire, la carte des vins de "l'Auberge" repose surtout sur les approvisionnements récurrents d'un caviste pointu du coin alors que nous-même livrons exclusivement "en direct" (et en voisin): vous nous trouvez donc régulièrement à la carte, c'est vrai, mais de manière discrète. Mais Coume Majou n'est pas un adepte du "donnant-donnant" et, s'il est vrai que nous rendons visite à nos clients en priorité, ce n'est pas au pro rata de notre CA chez eux. Proudhon affirmait que "La propriété, c'est le vol". Le vieux (ex- ?) gauchiste que je suis pense que c'est le commerce qui est du vol, sauf bien sûr quand le vendeur produit quelque chose ou bien rend réellement un service. Mais ce n'est pas le sujet du jour.
Ce qui a changé chez le chef, c'est ce qu'on appelle la maturité. Il est d'un caractère sensible - comme la plupart de ses collègues de bon niveau - et on percevait parfois une petite irritation devant les contrariétés ou les critiques, même positives. C'était d'ailleurs son droit. De même, les difficultés commerciales (pas facile de remplir constamment une bonne table dans les P.O.) l'angoissaient visiblement. A présent, il semble avoir "lissé" ces affects. Je ne le connais pas assez pour vous affirmer que la sagesse l'habite à présent, mais en tout cas il n'extériorise plus autant ses états d'âme.
Mon frère Thierry me rend visite quand c'est possible. Souvent, nous partons pour des excursions éloignées et il a ainsi goûté en ma compagnie aux délices d'Eric Sapet dans le Luberon, du Prévôt de Cavaillon, de Sylvain Joffre en pays toulousain, de Pao Magny dans le Couserans, de Gérald Garcia à La Pomarède d'abord et à l'Alto à présent, de La Barbacane à Carcassonne ...
Plus près de nous, ce n'est qu'en octobre dernier que l'on nous a reçus ensemble à la rue Peyra, et ni le Grand Cap ni la Table Saint-Crescent ne l'ont encore vu. Cela viendra.
Avant-hier midi, la volaille du ténébreux Patrice Ey, un excellent maraîcher bio et éleveur établi à Saint-Estève, chez qui je suis d'ailleurs client à titre personnel, nous a été proposée en trois services par PLM (on dit comme ça), avec découpe en salle, cuisson en plusieurs étapes etc ... D'une part, chaque plat était incroyablement goûteux, d'autre part, les "animations", comme on appelle ces interventions techniques en face du public, m'emballent toujours. Ma fille Virginie - qui a d'ailleurs été à très dure école du côté du quartier de la Fauceille - excelle elle-même dans ce genre d'exercice: elle se régale et les gens tombent sous son charme.
Si vous visitez ma page FB, vous verrez la mine réjouie du quidam.
Ici, je me contente d'une photo du plat.
Comme dit le chef avec malice:
"C'est presque comme dans un grand restaurant!"
Write a comment